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P-A TAGUIEFF invente "l’immigrationnisme" !
Un commentaire critique de " L’immigrationnisme " selon Taguieff


Origine de l'article critique : http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=27964

Origine de l'article http://www.minorites.org/article.php?IDA=16185

http://www.communautarisme.net/L-immigrationnisme,-ou-la-derniere-utopie-des-bien-pensants_a754.html


Le texte P A TAGUIEFF , " L’immigrationnisme ou la dernière utopie des bien-pensants " est sur le site "Observatoire du communautarisme", 11 mai 2006

Tout l’art de PA TAGUIEF (nommé avec ses initiales PAT ) consiste à habilement repositionner l’ensemble du débat sur l’immigration pour se placer au centre politique et au coeur de la raison juste . Il le fait d’une part en se dégageant du lepènisme, point évidemment nécessaire à son positionnement, mais d’autre part et surtout en faisant passer pour gauchiste et simplicateur des thèses qui ne sont ni gauchistes ni simplificatrices . Cela est plus pervers .

La première partie de son texte pose les 4 thèses sur l’immigration comme premier chantier puis la question de la "déconstruction de l’entité floue nommée immigration". L’auteur se veut ici explicatif et pédagogue mais me parait surtout enfoncer des portes ouvertes à des fins polémiques . Mais on peut néanmoins partir de cette déconstruction pour avancer.

I. - La critique des 4 thèses de PAT :

A) Les thèses sur l’immigration selon PAT

1 - Partons de la thèse bien-pensante sur l’immigration, la thèse centrale de l’immigrationnisme, telle qu’elle est formulée dans le langage politique ordinaire : l’immigration serait un phénomène à la fois inéluctable et positif. C’est là une thèse étrange, qui a pour conséquence de fermer la discussion qu’elle semble ouvrir. Elle indique en effet une voie politique unique : celle de l’acceptation sans discussion de ce qu’on appelle " l’immigration ".

Il n’est nul besoin d’être un spécialiste du droit de la nationalité pour relever l’incompatibilité entre l’existence d’États-nations indépendants et souverains et le principe de l’entrée libre dans les États-nations de tous les migrants qui se présentent. Dans les débats politiques contemporains, en France tout particulièrement depuis les années 1980, on entend couramment par " immigration ", d’une façon restrictive mais sans le savoir, un flux de personnes à destination de la France (1).

C’est ainsi qu’on peut expliciter le contenu de la notion d’immigration telle qu’elle fonctionne dans la connaissance ordinaire. La réalité sociale, culturelle (aussi bien religieuse qu’ethnique), démographique et économique du phénomène est certes moins simple, mais il est possible d’aborder les interactions polémiques sur la question en partant de la notion de sens commun. La vision immigrationniste de l’immigration n’est bien entendu pas la seule possible.

2 - La thèse politiquement incorrecte serait que l’immigration est un phénomène inéluctable et négatif, comparable à un raz-de-marée ou à une invasion, à la conquête lente d’un territoire. Face à la force qui s’impose, la seule politique possible est alors celle d’une autodéfense désespérée, qui peut prendre la forme d’une réaction xénophobe.

3 - Une troisième thèse, politiquement incorrecte encore, consiste à juger l’immigration comme un phénomène non inéluctable et négatif. Il suffit alors, pour les autorités politiques, de fermer rigoureusement les frontières, ce qui est plus facile à concevoir qu’à réaliser dans un contexte d’échanges globalisés.

4 - Si l’on perçoit l’immigration, quatrième thèse, comme un phénomène non inéluctable, sans qu’on préjuge de sa positivité ou de sa négativité, alors une réflexion sérieuse sur la politique de l’immigration la plus souhaitable peut commencer. Cette politique relevant, jusqu’à nouvel ordre, de la souveraineté des États-nations, les dirigeants politiques ont pour tâche de délibérer et de prendre des décisions, au regard des intérêts de leurs communautés politiques respectives.

B)La réponse critique est double.

Il importe en réponse me semble-t-il d’intégrer le phénomène migratoire dans la mondialisation et de questionner les intérêts en cause sans poser des jugements de valeur - négatif ou positif - à priori.

1- Quid du phènomène migratoire et de son inéluctabilité ? Réponse : Pas de "fin de l’histoire" (cf Fukuyama) ici non plus mais néanmoins le constat d’un processus mondial lourd bien engagé quoique n’ayant pas pour la France une dimension problématique . La mondialisation néolibérale pousse au plan économique une triple dynamique : la financiarisation, la marchandisation et l’appropriation privée .

Elle favorise l’échange marchand de biens et services à haut niveau tant dans l’espace qu’en intensité. La financiarisation signifie aussi une mobilité sans précédent des capitaux-argent . Ces faits sont analysés diversement mais aussi critiqués car cette triple dynamique dite économique a des effets sociaux et environnementaux immédiat et même consubstantiels . Elle implique une montée des inégalités sociales et territoriale (développement inégal et combiné). Elle pousse aussi à une mondialisation des phénomènes migratoires .

Quasiment tous les territoires de la planète sont concernés par les migrations . Il convient de distinguer les migrations contraintes des migrations voulues. Ce que ne fait pas PAT. Son postulat de départ ne le permet pas : sa conception de l’intérêt national sans considération des clivages internes se tait sur les collusions d’en haut mais exclue volontiers les solidarités sociales d’en bas.

2- "Bons sentiments" ou solidarité des intérêts et besoins sociaux ."Revenons dans le monde social réel, régi par les calculs d’intérêts" nous dit l’auteur afin de faire pièce aux idéaux généreux des bonnes âmes droit-de-l’hommistes. Chiche ! Comme premier clivage dans la réponse en cours je différencie alors d’une part "les intérêts des communautés politiques" des Etats-nations qui forme la base argumentative (excluante) de l’auteur (qui l’élargie abusivement aux questions "d’estime de soi") et d’autre part la prise en compte la communauté d’intérêts des travailleurs salariés au-delà des frontières. A ce monde du travail durement mis en concurrence il convient de donner des droits qui tendent à l’égalité à la protection du dumping social.

Cette distinction ne suffit pas pour répondre valablement aux thèses de PAT. La notion de peuple à la fois comme entité plus restreinte que la nation qui englobe tout et comme entité plus large que le salariat complète l’arrière plan argumentatif . Le peuple en un sens proche de celui posé par Patrick TORT forme donc un ensemble social intermédiaire, l’ entité dirigée . Plus que gouverné le pleuple est dirigé par des élites politiques et administratives (la Haute Administration) en collusion avec les couches sociales dominantes au plan économique (la bourgeoisie régionale, nationale et internationale).

II. - La critique de la déconstruction de l’immigration et la place du politique.

A) Ce que dit PAT :

1 - sur cette déconstruction : "La liberté de choix peut s’exercer pleinement sur la question, à la condition de déconstruire l’entité floue nommée " immigration " et d’identifier distinctivement les diverses réalités ayant un lien avec ce phénomène mal défini, pour distinguer les multiples problèmes amalgamés autour du terme " immigration " et les traiter d’une façon différenciée. Il va de soi, par exemple,

1 - que la question du droit d’asile doit être abordée indépendamment de celle d’une immigration de travail,

2 - que les problèmes posés par les travailleurs saisonniers sont distincts de ceux que soulèvent une immigration d’installation,

3 - que la question du regroupement familial n’est pas du même ordre que celle des mariages entre étrangers et nationaux,

4 - enfin que les problèmes des immigrés de première génération diffèrent de ceux des jeunes Français issus de telle ou telle vague migratoire.

Dans tous les cas, concernant les politiques de l’immigration, le réalisme implique que des règles soient formulées clairement, diffusées largement dans l’espace public et respectées par tous."

2 - sur la place du politique : "Considérons de plus près la vulgate pro-immigrationniste qui tient lieu de pensée sur la question. Si l’immigration est inéluctable, au point d’incarner une fatalité, il n’y a qu’une politique possible : celle de l’adaptation au processus fatal. C’est là reconnaître en la matière l’impuissance radicale du pouvoir politique, dont l’exercice se réduit nécessairement à reconnaître et accepter cette figure du destin. Il n’y a pas d’alternative. Les dirigeants politiques n’ont plus rien d’autre à faire que contempler et commenter l’irrésistible processus. Disparition de l’action politique, effacement de la volonté politique, annulation de la liberté de faire des choix : avènement de l’impolitique".

B)La critique est la aussi double :

-La déconstruction opérée ressemble plus à un mode de classement certes instructif qu’à une déconstruction faisant apparaitre des enjeux sociaux du type migration contraintes - non contraintes, migrations de territoires colonisés ou non etc...

-L’autre point à critiquer est de présupposer d’une part une acceptation de l’immigration tel quel d’autre part que l’acceptation de l’immigration (à défaut de co-développement), "l’immigrationnisme" ne pose aucun problème politique.

Ceux qui contestent la politiques migratoire de Sarkozy mais aussi des gouvernements précédents depuis 20 ans n’approuve nullement les motifs de ces immigrations qu’ils s’agissent des motifs politiques (guerres, terrorisme, sexisme etc.) ou des motifs économiques (pauvreté, inégalités sociales diverses ) . Ils voudraient que cette lourde injustice change : certains parlent de co-développement, d’autres d’annulation de la dette, d’autres encore combinent ces mesures et en préconisent d’autres. On peut regretter une relative séparation militante des tâches entre ceux qui luttent pour recevoir les immigrés dignement et ceux qui luttent pour que les rapports de force mondiaux changent .

Mais ce n’est pas le problème principal . Simplement comme ces changements nécessaires et possibles - dont les pays développés ont une large responsabilité dans la mise en œuvre - ne sont pas à l’ordre du jour des libéraux ils considèrent que la bonne réception de l’asile et de l’immigration dans les pays riches est juste et nécessaire. Il ne s’agit donc pas d’un humanisme naïf . Et ils ne sont pas dupes que cela exige une politique très active.

En effet et contrairement à ce qu’affirme PAT une forte politique d’insertion sociale et économique est exigée . Une telle politique bouscule nécessairement nombre de contraintes que je n’envisage pas ici tant dans l’emploi que le logement sans parler de la lutte contre le racisme sous toutes ses formes . Donc aucune passivité, aucune innocence utopiste, aucune naïveté chez les opposant de PAT .

De plus, une dynamique d’accès à la citoyenneté est aussi à envisager qui est éminemment politique. Promouvoir le droit de vote et d’être élu se heurte frontalement à l’idéologie nationaliste xénophobe, ce qui nécessite un travail militant toujours à renouveler. Le MRAP, la LDH et d’autres associations, syndicats et partis politiques se mobilisent justement pour la faire reculer ensemble.

Christian DELARUE
Secrétaire national du MRAP
Délégué cofondateur d’ATTAC France

De : christian delrue
mercredi 17 mai 2006